Comment mettre fin à une servitude de passage lorsque l’enclavement a disparu ? Guide complet 2025

La servitude de passage est un droit encadré par le Code civil qui permet au propriétaire d’un terrain enclavé d’accéder à la voie publique en passant par une propriété voisine. Mais que faire lorsque les conditions d’enclavement ont disparu ? Un accès direct à la voie publique a-t-il été créé ? Ce guide juridique détaille les démarches légales pour faire cesser une servitude devenue inutile, avec références aux textes de loi et à la jurisprudence récente.

Qu’est-ce qu’une servitude de passage et quand peut-elle légalement prendre fin ?

Définition juridique et fondements légaux

La servitude de passage est définie par l’article 682 du Code civil qui précise : « Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue, ou qu’une issue insuffisante pour l’exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds. »

Cette servitude constitue ce que les juristes appellent une « charge réelle », c’est-à-dire qu’elle est attachée au fonds et non à la personne du propriétaire. L’article 637 du Code civil précise à ce propos : « Une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire. »

L’extinction de la servitude : textes applicables

L’article 685-1 du Code civil est particulièrement explicite concernant l’extinction de cette servitude : « En cas de cessation de l’enclavement, le propriétaire du fonds dominant ne peut plus exercer la servitude. Le propriétaire du fonds servant peut à tout moment demander la suppression judiciaire du droit de passage lorsque celui-ci cesse d’être nécessaire. »

Ce texte, issu de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967, établit clairement que le propriétaire du terrain traversé (fonds servant) dispose d’un droit d’action pour faire cesser la servitude dès lors que l’enclavement n’existe plus.

Distinction fondamentale : servitude légale vs servitude conventionnelle

La jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 16 octobre 2013, n° 12-21.889) rappelle constamment cette distinction essentielle qui impacte directement les modalités d’extinction.

Comment vérifier la disparition réelle de l’enclavement ? Critères légaux et jurisprudentiels

Pour faire cesser une servitude de passage, l’étape préalable consiste à démontrer rigoureusement que l’enclavement a effectivement disparu. Cette vérification s’appuie sur des critères précis établis par la jurisprudence.

Les 5 critères juridiques à évaluer

  1. Existence d’un accès direct à la voie publique : Le premier élément à vérifier est si votre voisin dispose désormais d’un accès direct à une route ou un chemin public. L’article 682 du Code civil précise qu’il s’agit bien d’un accès à « la voie publique » et non à une voie privée partagée.
  2. Caractère suffisant de l’accès : Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 19 février 2014, n° 13-12.107), l’accès doit être « suffisant pour assurer la desserte complète du fonds pour son utilisation normale ». Un arrêt plus récent (Cass. 3e civ., 11 juillet 2019, n° 18-17.569) précise que cette notion s’apprécie « selon la destination du fonds et les besoins actuels de son exploitation ».
  3. Permanence et stabilité de l’accès : Un accès temporaire, saisonnier ou précaire ne suffit pas pour mettre fin à la servitude. La Cour de cassation exige « un accès permanent et stable » (Cass. 3e civ., 24 janvier 2018, n° 16-26.084).
  4. Praticabilité réelle : La Cour de cassation a précisé dans un arrêt fondamental du 16 décembre 2009 (n° 08-22.035) que l’accès doit être « praticable sans danger ni contrainte excessive ». Ce critère s’apprécie en fonction des caractéristiques du terrain et de son usage normal.
  5. Documentation probatoire de la situation : L’article 9 du Code de procédure civile dispose qu’« il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ». Pour ce faire, rassemblez :
    • Constat d’huissier (article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945)
    • Plans cadastraux certifiés
    • Photographies datées et géolocalisées
    • Rapports d’expertise privée si nécessaire

Cette étape préliminaire est juridiquement déterminante, particulièrement dans les zones rurales comme la Dordogne, le Gers, les Landes ou plus largement le Bassin aquitain, où les configurations de terrain peuvent être complexes et où l’usage agricole exige des accès adaptés aux matériels modernes.

Déterminer l’origine juridique de la servitude

Il existe deux types principaux de servitudes de passage dont l’extinction obéit à des règles différentes :

1. La servitude légale d’enclavement

Établie par les articles 682 à 685-1 du Code civil, cette servitude naît automatiquement de la situation d’enclavement. Selon l’article 685-1 précité, elle disparaît dès que l’enclavement cesse.

La jurisprudence constante de la Cour de cassation confirme ce principe : « La servitude légale de passage pour cause d’enclavement s’éteint lorsque l’enclavement du fonds dominant vient à cesser » (Cass. 3e civ., 30 janvier 2002, n° 00-15.633).

2. La servitude conventionnelle

Régie par les articles 686 à 689 du Code civil, cette servitude résulte d’un accord entre propriétaires. L’article 686 précise : « Il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés telles servitudes que bon leur semble, pourvu que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds. »

Pour supprimer une servitude conventionnelle, vous devrez consulter les titres de propriété et les actes notariés pour comprendre ses modalités d’extinction.

La démarche amiable : première étape juridiquement obligatoire depuis la réforme de 2019

L’obligation légale de tentative amiable préalable

Depuis le 1er janvier 2020, l’article 750-1 du Code de procédure civile (introduit par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019) exige, à peine d’irrecevabilité, une tentative de résolution amiable préalable à toute saisine du tribunal judiciaire lorsque la demande n’excède pas 5.000 euros ou lorsqu’elle porte sur un conflit de voisinage.

Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs validé ce principe dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, considérant que « le législateur a entendu promouvoir le recours aux modes alternatifs de règlement des différends ».

Protocole juridique pour une résolution amiable efficace

La démarche amiable doit suivre un processus rigoureux pour produire des effets juridiques :

  1. Initier un dialogue formalisé : L’article 56 du Code de procédure civile recommande d’adresser une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception exposant clairement les faits et la demande de suppression de la servitude.
  2. Proposer une constatation contradictoire : Conformément à l’article 1er de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice, proposez une visite commune des lieux avec un tiers neutre (médiateur, conciliateur de justice, notaire).
  3. Établir un protocole d’accord transactionnel : En application de l’article 2044 du Code civil qui définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».
  4. Faire authentifier l’accord : L’article 1369 du Code civil confère à l’acte notarié une force probante particulière en précisant qu’il « fait foi jusqu’à inscription de faux de l’acte et des faits que le notaire a personnellement constatés ».
  5. Publier l’acte : Le service de publicité foncière, conformément à l’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, rendra cette extinction opposable aux tiers, notamment aux futurs acquéreurs.

Cette approche amiable est particulièrement recommandée dans les territoires ruraux comme la Dordogne, le Gers ou les Landes, où les relations de voisinage s’inscrivent dans la durée et où le pragmatisme juridique évite des procédures coûteuses et chronophages devant les tribunaux souvent éloignés des petites communes.

Le recours judiciaire : procédure et stratégie contentieuse

Conditions préalables à la saisine du tribunal

Si la tentative amiable échoue, l’article 685-1 du Code civil vous autorise à demander la suppression judiciaire de la servitude : « Le propriétaire du fonds servant peut à tout moment demander la suppression judiciaire du droit de passage lorsque celui-ci cesse d’être nécessaire. »

Avant toute saisine, vous devez être en mesure de justifier de la tentative préalable de règlement amiable conformément à l’article 750-1 du Code de procédure civile. Selon l’arrêt de la Cour de cassation du 11 mars 2021 (n° 20-13.307), cette justification peut prendre la forme d’une « lettre recommandée demeurée sans réponse ou d’un procès-verbal de non-conciliation ».

Procédure contentieuse détaillée

La procédure judiciaire s’articule autour de plusieurs étapes précisément encadrées par le Code de procédure civile :

  1. Saisine du tribunal judiciaire territorialement compétent (article R211-3 du Code de l’organisation judiciaire). L’assignation doit être délivrée par huissier de justice et contenir, à peine de nullité, les mentions prescrites par l’article 56 du Code de procédure civile.
  2. Constitution d’un dossier probatoire comprenant :
    • Constat d’huissier établi conformément à l’article 1er de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945
    • Plans cadastraux certifiés par le service du cadastre (article 25 de la loi du 31 mars 1884)
    • Titres de propriété publiés au service de la publicité foncière
    • Photographies datées et géolocalisées
    • Attestations de témoins rédigées selon les formes prescrites par l’article 202 du Code de procédure civile
    • Relevés topographiques si nécessaire
  3. Représentation obligatoire par un avocat conformément à l’article 760 du Code de procédure civile qui dispose que « Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire ».

La phase d’expertise judiciaire

Dans les affaires complexes, particulièrement fréquentes en milieu rural ou périurbain, le tribunal ordonne généralement une expertise judiciaire. Cette mesure est prévue par l’article 232 du Code de procédure civile : « Le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien. »

L’expertise est conduite selon le principe du contradictoire défini à l’article 16 du Code de procédure civile : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. » Concrètement, cela signifie que l’expert doit convoquer toutes les parties et leur permettre de faire valoir leurs observations.

Voies de recours possibles

Le jugement rendu est susceptible d’appel dans un délai d’un mois à compter de sa notification, conformément à l’article 538 du Code de procédure civile. La Cour d’appel territorialement compétente statuera alors à nouveau sur l’ensemble du litige.

La formalisation notariale : sécurisation juridique définitive

Publication obligatoire : fondements légaux

Que la suppression soit obtenue par voie amiable (accord transactionnel) ou judiciaire (jugement définitif), la dernière étape consiste à faire constater l’extinction de la servitude par acte notarié et à publier cette modification au service de publicité foncière.

Cette étape cruciale est strictement encadrée par plusieurs textes :

  • L’article 28 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 impose la publication de tout acte modifiant les droits réels immobiliers : « Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles les actes entre vifs, translatifs ou déclaratifs de propriété immobilière ou de droits réels immobiliers. »
  • L’article 710-1 du Code civil, issu de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, précise que : « Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, être dressé en la forme authentique. »
  • La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 3 juin 2015 (n° 14-17.716) que : « La publicité foncière a pour objet d’assurer l’opposabilité aux tiers des droits sur les immeubles. »

Procédure notariale détaillée

Le processus de formalisation notariale comporte plusieurs étapes techniques :

  1. Rédaction de l’acte authentique : Le notaire établit un acte constatant l’extinction de la servitude, en mentionnant soit l’accord transactionnel, soit le jugement définitif ayant prononcé cette extinction.
  2. Réquisition de publication : Conformément à l’article 34 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, le notaire adresse une réquisition de publication au service de publicité foncière compétent.
  3. Publication au fichier immobilier : Le service de publicité foncière procède à l’inscription de cette modification dans le fichier immobilier et délivre un certificat de publication.
  4. Mise à jour du cadastre : Selon l’article 3 du décret n° 55-471 du 30 avril 1955, le service du cadastre doit être informé de cette modification pour mettre à jour ses documents.

Bénéfices juridiques et patrimoniaux de la formalisation

Cette procédure notariale n’est pas une simple formalité administrative, mais une étape juridiquement déterminante qui présente plusieurs avantages concrets :

  • Opposabilité aux tiers : Selon l’article 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, seuls les actes publiés sont opposables aux tiers acquéreurs potentiels.
  • Sécurisation définitive : La suppression devient incontestable et figure dans la chaîne des titres de propriété.
  • Valorisation immobilière : La disparition d’une servitude peut augmenter significativement la valeur marchande du bien, particulièrement dans des zones attractives comme Bordeaux et sa région.
  • Prévention des contentieux : L’acte authentique, doté de la force probante renforcée prévue à l’article 1369 du Code civil, prévient les contestations ultérieures.

Ces formalités sont particulièrement importantes dans les territoires ruraux comme la Dordogne, le Gers ou les Landes où les transactions immobilières peuvent concerner des biens comportant de multiples servitudes historiques qu’il convient de clarifier.

FAQ : Questions fréquentes sur l’extinction des servitudes de passage

Ma servitude date d’avant 1967, peut-elle être supprimée en cas de désenclavement ?

Oui, l’article 685-1 du Code civil s’applique à toutes les servitudes légales d’enclavement, quelle que soit leur date de création. La Cour de cassation l’a confirmé dans un arrêt du 13 mai 2015 (n° 14-11.260) : « les dispositions de l’article 685-1 du code civil sont d’application immédiate aux servitudes constituées antérieurement à son entrée en vigueur ».

Qui doit prouver la disparition de l’enclavement ?

Selon l’article 1353 du Code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». C’est donc au propriétaire du fonds servant (terrain traversé) qu’incombe la charge de prouver la fin de l’enclavement.

Puis-je bloquer le passage en attendant la procédure ?

Non, l’article 134 du Code de procédure civile dispose que : « La demande en justice n’est pas, par elle-même, suspensive d’exécution ». Bloquer le passage avant décision définitive pourrait engager votre responsabilité civile.

Combien coûte en moyenne une procédure judiciaire d’extinction de servitude ?

Les frais varient selon la complexité du dossier, mais comptez entre 1500€ et 3000€ pour une procédure complète (honoraires d’avocat, frais d’expertise éventuels, frais de publication). La possibilité d’obtention de l’aide juridictionnelle existe selon les ressources (article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991).

Conclusion : sécuriser juridiquement l’extinction de la servitude

La suppression d’une servitude de passage nécessite une connaissance approfondie du droit des biens (articles 637 à 710 du Code civil) et une approche méthodique adaptée à chaque situation. Les articles 682 à 685-1 du Code civil et la jurisprudence abondante de la Cour de cassation encadrent strictement ces droits de passage, mais leur application pratique requiert une analyse précise des éléments factuels et juridiques propres à chaque cas.

Qu’il s’agisse de propriétés rurales en Dordogne, dans le Gers, les Landes ou dans le Bassin aquitain, où les servitudes anciennes sont fréquentes, ou de biens urbains à Bordeaux, où les opérations d’aménagement créent régulièrement de nouveaux accès, chaque dossier nécessite une approche spécifique. Une démarche structurée, respectueuse des textes de loi et accompagnée par un professionnel du droit, constitue le meilleur moyen de garantir vos droits de propriétaire.

L’expertise d’un avocat spécialisé en droit immobilier vous permettra non seulement d’optimiser vos chances de succès, mais aussi de sécuriser juridiquement la procédure et d’aboutir à une solution pérenne, qu’elle soit obtenue par la voie amiable ou judiciaire.


Dernière mise à jour : avril 2025. Cet article a une visée informative et s’appuie sur les textes en vigueur et la jurisprudence récente. Pour toute situation particulière concernant une servitude de passage, nous vous recommandons de consulter un avocat en droit immobilier qui pourra vous conseiller en tenant compte des spécificités de votre cas comme Maître Zakine. il ne s’agit pas ici d’une consultaiton.

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